Incendies en Russie – Capitalisme sauvage
Des centaines de citoyens russes sont morts carbonisés ou intoxiqués. Des centaines d’animaux également. Des nuages opaques planent sur Moscou, mais aussi sur bien des villes, bourgs et villages, de la Sibérie à l’Oural. Tout un chacun le sait, des milliers d’hectares de forêts ont été décimés. Des lacs, des rivières, des nappes phréatiques ont été contaminés par des tonnes de produits toxiques enfermés dans des fûts ou dans des tonneaux dispersées ici et là depuis que Vladimir Poutine avait ordonné, alors qu’il venait d’être nommé premier ministre en 2000, la suppression du ministère de l’Environnement.
Tous ces constats, tous ces drames en cachent un autre qui va durer plus longtemps: la crise alimentaire, voire la famine, qui va frapper de plein fouet des millions de Russes. Car outre les forêts, des milliers et des milliers d’hectares de jardins potagers ont été eux aussi détruits. Or, on sait trop peu que la culture des fruits et légumes est vitale à la survie alimentaire de la grande majorité des habitants de cet immense pays.
Prenons l’exemple de la pomme de terre. Selon le journal en ligne Mediapart: «80 % de la consommation des pommes de terre de l’espace rural russe et des périphéries des villes est fournie par ces espaces qui permettent aux Russes de ne pas succomber au désespoir et à la malnutrition.» Les plans de tomates, de choux, de concombres et autres étant en cendres, le petit cultivateur est confronté à un double défi. Un, comment s’alimenter dès à présent? Deux, comment va-t-il se nourrir lors de la saison froide puisqu’il n’a plus la possibilité de faire ce qu’il fait chaque année: des conserves.
Restons sur ce front. La saison des champignons et des baies sauvages, essentiels à leur régime alimentaire, est passée à la trappe comme ce qui est nécessaire aux animaux. Bref, cette catastrophe, qui n’est pas un Act of God, s’est répandue tous azimuts à la vitesse grand V parce que les autorités ont observé, avec un fanatisme qui devrait ravir les adorateurs de la loi de la jungle, les commandements du laisser-faire intégral. Ainsi…
Ainsi, les camions de pompiers datent de la fin des années 70. Les deux tiers d’entre eux sont inutilisables depuis que le pouvoir central a décidé en 2007 de déléguer aux potentats locaux la gestion des forêts. Bien évidemment, ces derniers ont profité de cet ajout de responsabilités pour s’en mettre plein les poches. La vie humaine, ils s’en contrefichent. Avec une absence de remords qui fait écho à celle des dirigeants politiques, Poutine et consorts, et des oligarques.
À l’instar de ce qui fait dans bien des pétro-monarchies, les truands russes qui ont fait main basse sur les richesses du pays investissent à l’étranger. Ils achètent des clubs de football au Royaume-Uni ou des entreprises en Espagne ou en France. Au fond, la Russie est passée d’un extrême à l’autre: du stalinisme au capitalisme sauvage.
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Cher M. Truffaut
J,ai lu avec intérêt votre article sur la Russie dans le Devoir et je suis passablement perplexe, voir déçu. J’ai décidé de vous écrire personnellement au lieu de m’épivarder sur les talkback de votre article sur le site du Devoir.
Premièrement, j’aimerais vous dire que vous avez une totale méconnaissance de la Russie. Vous propagez des clichés remâché que même The Economist ne se nourris plus depuis 2005 (et dieu sait comment ils ont été misérable dans leur couverture de la Russie jusqu’au milieu de la décennie) . Votre article a une bonne base certes, mais il s’effondre lamentablement dans une orgie de stéréotypes datant de l’ère Yeltsin.
Désolé pour cette mise en contexte expéditive et sèche, mais ayant fais des études de Sciences Politiques, continuant ma maîtrise en géopolitique des questions pétrolières russe et surtout, pour avoir habité deux ans à Moscou et y entretenant toujours plusieurs amitiés, je me devais de vous dire à quel point votre article ne mérite pas de se retrouver dans les pages du meilleur quotidien au pays, toutes langue confondues.
La situation des feux de forêts russe est un savant mélange de facteurs qui ont créé les conditions dune catastrophe que je ne qualifierais pas d’annoncée, mais pas trop loin. En ce sens, vous dite que ce n’est PAS un act of god. Pourtant, l’Ouest du pays vie sa plus importante canicule de l’histoire (depuis qu’il y a des registres). Imaginez le Québec avec 30 jours avec des températures de 30 degrés et plus, des nuits qui ne voient pas la température descendre en bas de 25. Imaginez la SOPFEU, imaginez le Québec brûler. La canicule n’est pas une question de ministère de l’environnement, mais de climatologie. De plus, les feux autour de Moscou sont dans des tourbières. Un feu qui couve sous terre et qui extrêmement difficile à éteindre pour tous corps de sapeurs forestiers d’élites, ce que votre article ne mentionne pas. Ces tourbières ont été asséchées par les communistes pour s’en servir comme carburant d’où leur inflammabilité élevée. C’est pas la faute de Poutine quand même.
Oui les russes vont trouver les prochains mois difficiles. La production de blé est amputé de 10%, pas à cause des feux, mais plutôt de la sécheresse associé à cette canicule et aux mauvaises conditions atmosphérique dues à la fumée.Mais les russes ont passé au travers de pire, croyez moi. De plus, l’aide gouvernementale est l’une des plus généreuse de l’histoire. Le pays entier s’est mobilisé pour éteindre ces feux. Oui, il y a des lacunes et la gestion me semble très broche a foin, mais on est loin d’une république pétrolière se sacrant éperdument de ses habitant comme vous le dite. La Russie fait de son mieux selon ses capacités et connaissances dans une situation exceptionnelle, ferions-nous mieux? J’en doute fort (le verglas nous a paralysé un mois pour 3 jours de verglas, imaginez 3 semaines)
Pour revenir sur l’utilisation des fonds publics, que les dirigeants locaux détournent les fonds et que c’est pour cela que les camions de pompiers datent des années 70. Sachez, M. Truffaut, que la Russie devrait dépenser demain matin plusieurs trillion de Roubles pour ses infrastructures (elles sont si délabrées, qu’elle perd 3%, la moitié du Canada, de PIB annuellement). En proportion, c’est reconstruire un pays qui est 2 fois plus grand et 5 fois plus peuplé que le Canada. Tout cela sans injecter trop d’argent pour ne pas faire galoper l’inflation et en essayant de réduire au minimum la corruption. Un défi colossal qui s’échelonnera sur plus d’une génération. Les rentes énergétiques aident grandement, mais elles sont insuffisantes.
Je pourrais vous en parler longuement de la Russie. Pas celle des stéréotypes des observateurs étrangers, qui ont trop souvent jamais mis les pied dans la Radino (mère patrie) ou qui regarde le pays comme s’il n’avait pas évolué depuis les années 90, pire, voire depuis l’ère communiste. Mais je vais me taire. ne sachant même pas si vous allez porter le moindre intérêt à mon courrier.
Spacibo bolshoye
P.S. Si vous avez des questions, il me fera plaisir d’y répondre dans la mesures de mes connaissances.
P.P.S. Votre texte et ma réponse seront sur mon blogue plein de fautes d’orthographes : https://alek47.wordpress.com/
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Aleksandre Lessard
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